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Mère de famille : l'enfer du décor chronique déjantée d'une mère ordinaire (à moins que ce soit le contraire)
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28 janvier 2016

Mariage forcé

Aujourd'hui j'ai 37 ans et cette histoire c'est la mienne et sans doute celle de plusieurs centaines voire milliers d'autres femmes.

Tout n'a pas commencé à ma naissance. Quoique c'était inscrit en moi, sournoisement bien planqué.  Au début, rien ne pouvait le présager....ou presque.  Je suis née en pleines formes, je faisais la joie de mes parents.  Puis j'ai été une enfant normale, joyeuse, peut-être un peu trop sensible.  J'étais bien loin de penser ce qui se tramait autour de moi. Je peux dire que j'ai été libre.... peu de temps en fait... 2 ans et demi au plus. En même temps, je ne pouvais pas y échapper, ma grand-mère avait connu la même chose, ma mère également mais pas au même âge. On aurait dû m'avertir, me dire de me méfier. Mais parle-t-on de ces choses là à une enfant si jeune? Non ! évidemment.

Les parents eux sont les premiers au courant. On les informe. Ils n'ont pas vraiment le choix. Ils n'ont pas d'autres alternatives que de sévir, de faire confiance aux sages. On leur a dit que j'étais en danger. Ils ont bien essayé de me protéger. Mais protéger une si petite fille d'un si grand danger c'est compliqué pour des jeunes parents qui n'ont pas d'autres enfants.  Alors ils ont dû capituler. Finis les petits plaisirs, restrictions en tout genre. Il fallait stopper cette tradition transgénérationnelle.

J'ai grandi comme ça... j'ai eu le droit de faire du sport, beaucoup de sport. Je n'étais pas tranquille. Les autres savaient, voyaient que j'étais prisonnière. Ils s'en moquaient, ou en riaient. J'avais des amis, comme tous les autres. Cet ennemi aussi. J'ai grandi avec lui comme certains grandissent avec un copain imaginaire. Moi je ne lui parlais pas, mais il était là, pensant et embarrassant. Je ne pouvais pas m'en détacher, le foutre à la porte et fuir. Il s'accrochait à moi comme un chewing gum à une basket dégueulasse : il m'était destiné et je n'avais pas le choix.

J'ai traversé les années, les bassins de natation... 1 fois, 2 fois, 3 fois, jusqu'à 5 fois par semaine....2h30 quotidiennes à sortir et plonger avec lui.... Ensembles, collés l'un à l'autre comme un couple de vieux qui se supportent sans s'aimer depuis des années. Parfois il me lâchait un peu. Je me sentais mieux, je me sentais vivre.

J'ai été une ado qui a fait des rencontres. J'y ai eu le droit, comme toutes les filles de mon âge, à mon grand étonnement. Mais à chaque fois que la relation s'arrêtait je le voyais revenir, la gueule enfarinée, son sourire en coin avec son air de "tu vois qu'tu peux pas d'passer d'moi". Alors je cédais et nous redevenions les meilleurs ennemis.

Je suis devenue femme. J'ai voulou lui échapper, le larguer, le détruire, le fuire. J'ai tout essayé. J'ai demandé l'aide aux sages qui avaient tous leurs conseils et leur idée sur la question. J'y suis parvenu, plusieurs fois. Des dizaines, des centaines peut-être.... Je me suis éloignée, je me suis sentie libre, je me suis dis que tout était fini. Mais plusieurs fois j'ai craqué, et je l'ai de nouveau accueilli, dans mon ventre, mes cuisses, sur mes hanches.... Il a toujours été plus fort. Il m'était destiné, je ne devais pas l'oublier. Je n'avais pas mot à dire, je devais être soumise et subir. Je ne pouvais vivre sans lui. Je t'aime moi non plus.

Avec les années, il a pris de plus en plus de place. S'est glissé machavéliquement sans que je m'en rende compte, sans que je veuille le voir... de toutes manières je ne pouvais lui échapper, c'était inscrit....ma grand-mère avait connu la même chose, ma mère aussi.

Mes cousines, mes amies, elles, étaient libres....Libres de leurs mouvements, de leurs féminités, de leurs envies. Elles pouvaient s'habiller comme elles le voulaient, pour moi j'étais la basket et son chewing gum dégueulasse. Alors de rage j'essayais de le combattre, le foutre plus bas que terre. J'ai vaincu parfois... Mais dans un réflexe pavlovien, il ressurgissait, toujours plus fort, toujours plus lourd... Se jettait sur moi avec envie et soif de me détruire...

Certaines ont essayé de m'aider, de me libérer. J'y suis parvenue, des dizaines de fois....

Il m'a laissé avoir des enfants mais m'en a fait payer les frais. Il a admis que je mette au monde 2 enfants mais m'a renvoyé une image immonde lorsque j'étais enceinte. Je n'étais pas libre, je devais l'admettre, tout était inscrit.... ma grand-mère l'avait connu aussi.

Aujourd'hui j'ai 37 ans....et il est toujours là.... Mariage forcé....je n'ai jamais pu le quitter vraiment. On me dit qu'il n'es pas si terrible, que je ne vois pas la réalité, que je n'ai pas à me plaindre, qu'il y a pire ailleurs ... L'aimerais-je un jour ? Il parait qu'avec le temps on y parvient.... Il parait qu'on apprend à se connaître, se supporter, s'apprivoiser, et qu'un jour l'amour arrive....Il parait que c'est important, vital....que sans cet amour on ne peut pas aimer les autres...

Aujourd'hui j'ai 37 ans et j'attends de l'aimer.... Mais je n'aime pas ce qu'il représente, et ce qu'il fait peser sur tout mon être.

Pourtant c'était inscrit.... nous sommes unis pour la vie.... mon corps cet ennemi.

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Commentaires
W
<3
M
assez bouleversant, comme souvent, derrière l'humour féroce, mais d'autres l'ont aimé ou l'aiment, ton corps, pour diverses raisons ... demandent leur pourquoi, et si vraiment il te pèse tant que ça, ce corps je t'aime-moi-non-plus, tu trouveras avec le temps un chemin vers la réconciliation ...
C
As tu lu le blog de Caro http://penseesbycaro.fr/. c'est l'histoire de toute sa vie jusqu'à la rencontre de Zermati et surtout une prise de recul avec l'expérience...
M
Ma fille. Ne me compare pas à toi. J'ai eu plus de chance!!! mon corps s'est nourri de mes angoisses à plus de 40 ans.. Je n'ai pas eu à me battre avec lui comme toi. Je suis la verrue de ma famille maternelle et paternelle. Je suis, comme dans tout, en marge de mes familles. J'ai laissé cet "ennemi"m'envahir pendant des dizaines d'années. Un peu comme un bouclier; le rire et le sourire en plus. Je réagis cette année. Après les épreuves difficiles et ma presque victoire contre la maladie; Je vais essayer de soulager ce corps, ce coeur, Je suis prête. Mon moral est bon... A 60 ans, je me dis : ta vie n'est pas finie. Tu as connu pire. Vas-y!! Bien entendu, je ne reviendrai jamais comme à 40 ans et moins.Je ne recherche pas cela.. Je veux être plus belle en dehors et moins belle en dedans.. Question d'équilibre..
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